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Témoignage d'Evelyne Lages

Ma vie a basculé un 5 janvier 2024

24 Août 2025

C’était pendant les vacances de Noël. Je ne me sentais pas bien, j’avais mal au ventre. Je pensais à une crise de foie ou une gastro. Rien de grave !...

Le début

Depuis septembre, je me sentais souvent ballonnée, très fatiguée, mais comme je perdais du poids, j’étais plutôt contente…
Le 4 janvier 2024, après une nuit à vomir si violemment que j’ai cru m’être cassé les côtes, je suis allée voir mon médecin généraliste. Lui aussi a conclu à une gastro, comme beaucoup en cette période. Mais comme je n’avais pas fait de prise de sang depuis six mois, il m’en a prescrit une « par précaution ».
Le lendemain, je suis retournée le voir : ma prise de sang présentait de nombreuses anomalies. Il a tout de suite pris en urgence un rendez-vous pour un scanner à l’hôpital de Lunéville. En me quittant, il m’a dit :
« Tu dois avoir des calculs dans les voies biliaires. »
Le scanner a duré bien plus longtemps que prévu. J’ai compris que quelque chose n’allait pas. Et c’est dans un vestiaire de l’hôpital, sans préparation, qu’on m’a annoncé : « Vous avez une grosse tumeur au foie. »
Mon médecin a été prévenu. Dès le lundi, j’avais un rendez-vous avec un gastrohépatologue. Il m’a expliqué que la tumeur était mal placée et inopérable. Il a parlé d’une RCP. Un mot que je n’avais jamais entendu. J’étais complètement noyée dans les informations.
Dans le compte rendu, il était écrit « cholangiocarcinome ». Et des mesures. Je croyais avoir une tumeur de 1,8 cm.
C’est ma fille, au téléphone, qui m’a dit : « Tu te rends compte, maman ? Elle fait 18 centimètres ! »
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé l’ampleur de ce que je vivais.
Du jour au lendemain, j’étais en ALD. Je ne savais même pas ce que cela signifiait.

Une annonce brutale, une vie suspendue

Le 1er janvier, mon mari prenait sa retraite. Le 5 janvier, on m’annonçait un cancer.
Nous avions tant de projets.
On se disait souvent : « Quand on sera à la retraite, on fera ci, on fera ça… »
Mais tout s’est effondré.
J’ai pensé que je ne connaîtrais jamais les plaisirs de la retraite, que je laisserais mon mari seul, que je ne verrais pas mes filles se marier, ni mes petits-enfants naître.
Nous avons passé beaucoup de temps à pleurer ensemble.

Ma vie professionnelle mise entre parenthèses

Avant le diagnostic, je venais tout juste de prendre un poste de faisant fonction d’inspectrice dans l’Éducation nationale : LE poste, celui dont je rêvais. Je préparais donc le concours d’inspectrice.
Mais à la rentrée de janvier, j’ai dû prévenir mes collègues. Expliquer que j’étais gravement malade. J’étais rongée par la culpabilité de les laisser faire mon travail, de tout abandonner si brutalement.
Heureusement, j’ai été très entourée : par mon mari, toujours présent, par mes amis, par mes collègues.
Tous m’ont soutenue, m’ont portée quand je n’y croyais plus.

Un parcours long et douloureux

Ce cancer est silencieux, mais redoutable. Beaucoup de malades ne sont plus là cinq ans après le diagnostic. Les examens prennent du temps, alors que la maladie, elle, n’attend pas.
Les médecins parlaient de « tumeur », jamais de « cancer ». J’ai dû poser les questions moi-même pour comprendre. Ma première question était :
« Il me reste combien de temps à vivre ? »
Le mot « palliatif » m’a fait très peur.
J’ai passé des scanners, IRM, un PET-scan… Puis la biopsie du foie.
On vous prélève deux fragments de foie sous anesthésie locale : la peau est endormie, pas le foie. La douleur est terrible. On minimise l’acte, mais on vous demande de rester allongée pendant 4 ou 5 heures, car le foie saigne beaucoup. Ce jour-là, j’étais comme une enfant : je voulais juste mon mari près de moi.

Le traitement et l’image de soi

Lors de l’entretien avec l’oncologue, on m’a présenté les effets secondaires possibles. Je redoutais surtout la perte des cheveux.
L’oncologue m’a rassurée : « Ce n’est pas systématique. »
Mais à la deuxième chimio, mes cheveux sont tombés par poignées. J’étais sous le choc. Aucun bon de prescription pour une perruque n’avait été prévu.
Les perruques sont inconfortables, elles grattent, elles bougent. Et surtout, elles rendent la maladie visible.
J’ai refusé d’en porter au début. Ma coiffeuse m’a beaucoup aidée, trouvant des solutions pour retarder l’échéance. Mais j’ai fini par devoir en porter une.
Quand on perd ses cheveux, on perd bien plus : on perd une partie de sa féminité, on ne se reconnait plus dans la glace. Avant mon cancer, il m’arrivait de dire : « t’inquiète, ce n’est pas grave, on dit qu’ils repoussent plus beaux. ». Peu importe s’ils repoussent plus beaux, plus tard. Ce que vous voyez, c’est juste que vous êtes chauve.

Une opération, un espoir

Sur un groupe Facebook de patients atteint d’un cancer des voies biliaires, j’ai écrit mon histoire, j’ai été contacté par une personne qui, comme moi, était jugée inopérable. Il m’a conseillé de contacter d’autres hôpitaux pour avoir d’autres avis. Nancy m’ayant déjà dit non pour une opération.
J’ai donc sollicité Strasbourg et Villejuif. Les deux ont accepté de m’opérer. J’ai choisi Villejuif Paul Brousse, et l’équipe du professeur A. Ce moment est inoubliable, car l’opération est considérée comme une chance.

Mon hospitalisation à Paul Brousse

J’ai envoyé mon dossier médical. À partir de ce moment, tout s’est enchaîné rapidement.
Le 22 mai 2024, j’ai été opérée pendant 12 heures. Je devais rester 10 jours : j’ai passé six semaines à l’hôpital. Et surtout, j’étais loin de ma famille et de mes amies.
Durant cette période, j’ai perdu 23 kilos. Je n’arrivais plus à m’alimenter. Par contre, les boissons pétillantes me faisaient envie.
L’équipe était exceptionnelle : infirmières, médecins, psychologue, coordinatrice infirmière, cadre de santé… tous m’ont accompagnée avec bienveillance. J’ai demandé à avoir un suivi psychologique, car j’avais le sentiment d’avoir de la chance, et je culpabilisais d’avoir mobilisé autant de gens pour me « sauver ».
Moi qui suis croyante, j’ai vu ce cancer, cette maladie, cette opération comme une nouvelle mission que l’on me donnait. Oui, mais laquelle ? Je voulais y réfléchir avec la psychologue.
Durant mon hospitalisation, chaque semaine, on m’annonçait un retour possible à la maison, mais un nouveau problème survenait. Quand enfin j’ai pu rentrer, ce fut difficile. Mon mari est devenu mon aidant à plein temps.
Les amies qui n’avaient pas pu venir me voir à l’hôpital voulaient passer à la maison. J’étais heureuse de les retrouver, mais pour elles, ce fut un choc. Physiquement, je n’étais plus la même. Mon visage, ma silhouette, tout avait changé. J’ai aimé leur présence, mais je voyais bien, dans leurs yeux, qu’elles découvraient une autre version de moi.

La vie après…

Aujourd’hui, je vais bien. Je repense au parcours que j’ai fait, et je suis surprise de voir la résilience de notre corps.
Je me sens bien mieux qu’avant mon cancer, je me sens plus belle, mieux dans ma peau.
Je passe beaucoup de temps à me reposer. J’ai remarqué que j’ai des troubles de la mémoire immédiate, des troubles de l’attention, pour faire le ménage dans ma maison, ça me prend une journée, je n’arrive plus à lire. Je suis devenue une adulte « zappeur ».
J’ai repris ma passion — la couture — depuis peu.
Avec mon mari, on a pris une décision un peu folle : on a acheté un camping-car.
On n’y connaissait rien. Nous n’avions jamais voyagé en camping-car.
Mais on voulait partir, vivre, découvrir, faire les choses que je remettais à « quand nous serons à la retraite ».
On dit souvent aux malades :
« Profite de la vie ! »
Ces paroles, je les ai entendues souvent. Mais pour profiter, il faut de l’énergie, il faut du temps, il faut avoir le moral, il faut de l’argent.
Lorsque vous êtes malade, vous perdez tout cela.
Au début de mon cancer, je voyais surtout des médecins dans des cliniques. J’ai payé des dépassements d’honoraires que ma mutuelle ne prenait pas en charge.

Le combat invisible : l’administration

Il y a aussi les démarches : mettre en route les assurances pour un prêt, obtenir une aide au transport ou au ménage. Il faut sans cesse justifier, remplir, relancer. Un parcours du combattant. On s’épuise vite.
Il faut renvoyer plusieurs fois les mêmes papiers, car vous avez oublié de cocher la petite case, ou vous n’avez pas rempli le document transport avec la bonne date… alors qu’ils ont le document de l’hôpital.

Et cette pensée qu’on n’ose pas dire

Je suis dans un groupe Facebook sur le cholangiocarcinome. On y partage nos parcours. Mais aussi nos peurs. Et trop souvent, nos deuils.
La mort, on y pense, tous les jours. On finit par en parler librement.
On prévoit même son propre enterrement, la musique, le cercueil, la photo, l’endroit. On laisse des directives à nos proches. Le pire, ce sont les proches qui refusent d’entendre.
On met ses affaires en ordre.
Être malade, c’est aussi la difficulté de faire des projets.
Prévoir un voyage, par exemple : est-ce que nous serons en état de le faire ? Est-ce qu’il n’y aura pas récidive ?
Dans ces moments, l’aide d’un psychologue est essentielle. Il faut pouvoir poser les mots. Dire la peur. Dire la tristesse. Et continuer, tant bien que mal.
Avec le temps, on se cache pour pleurer, car même si les choses vont mieux, on peut avoir des rechutes… au niveau du moral. Il suffit d’un évènement pour faire resurgir le spectre de la mort.

Une récidive

Fin juin 2024, je sors de mon hospitalisation. En septembre, lors d’une visite de contrôle à Paul Brousse, on m’annonce la présence d’un nodule de 6 cm.
En réalité, il s’agissait d’une erreur de frappe de la secrétaire.
Le Dr S, qui me suit à Paul Brousse, émet de sérieux doutes sur cette taille, mais je repars avec ce compte rendu.
Le retour à Nancy a été très difficile. Mon moral a plongé. Le spectre de la mort est revenu me hanter.
L’oncologue de l’ICL émet elle aussi des doutes. Finalement, le 8 février 2025, je suis réopérée à Paul Brousse par le professeur A et le docteur S.
Résultat : le nodule mesurait 8 mm, et non 6 cm.
On est passés du melon à la noisette, autant dire que ce n’était pas le même régime !

Pour conclure

Aujourd’hui, mes derniers examens (scanner et IRM) sont excellents.
Mon état de santé ne nécessite plus aucun traitement, juste un suivi. Mais les séquelles sont là.
Chaque nouvel examen me plonge dans l’angoisse. Je redoute qu’on me dise :
« Il est revenu. »
Ce cancer a bouleversé ma vie, mon travail, mon corps, mes projets.
Mais, il m’a aussi appris à ne plus attendre, à vivre maintenant, à avoir des projets à court terme et à les réaliser, à ne plus attendre pour me faire plaisir. Avec mes filles et mon mari, nous sommes partis au mois de mai en Égypte.

Je témoigne pour que d’autres ne se sentent pas seuls. Pour que l’on parle enfin de ce cancer trop méconnu.
Et pour rappeler qu’il y a toujours une personne derrière une tumeur.
Et parce qu’il reste toujours quelque chose à espérer, même dans l’épreuve.
La vie me donne une deuxième chance, je ne veux pas la gâcher.

Votre temps n’est plus le mien, alors je veux en profiter.

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Cet hommage a été publié par : 

Evelyne
Lages